Restaurer la forêt autochtone à grande échelle, c’est possible !

Dans la région Anosy, un partenariat innovant entre Tropical Biodiversity & Social Enterprise (TBSE) et Ecosia montre la voie. Leur projet : planter 4 millions d’arbres autochtones et restaurer la forêt, puis la gérer avec les communautés sur une période de 24 ans.

TBSE est une entreprise basée à Fort-Dauphin, avec une forte expertise sur la restauration des paysages forestiers. Le soutien de l’entreprise Ecosia leur permet aujourd’hui d’appliquer leur savoir-faire à grande échelle. Leur but : préserver ce qu’il reste de la magnifique forêt naturelle d’Ambatotsirongorongo, et recréer les parties manquantes avec la plantation massive  d’espèces autochtones.

Jean-Baptiste Ramanamanjato, Manager de TBSE, présente ce projet ambitieux qui pourrait servir de modèle pour d’autres initiatives de restauration forestière. 

Découvrez tous les détails de ce projet inspirant à travers cette interview complète. Bonne lecture !

L’équipe d’INDRI s’est rendu sur le terrain à Ambatotsirongorongo pour en savoir plus sur ce grand projet porteur d’espoir. Linjasoa Rakotomalala, Responsable des Paysages Terrestres et des Forêts, a ensuite interviewé Jean-Baptiste Ramanamanjato le manager de Tropical Biodiversity & Social Enterprise (TBSE) dans leur bureau à Fort-Dauphin. Elle a eu le plaisir de voir que les “Dix Principes pour Réussir la Reforestation à Madagascar” produit par l’initiative Alamino, étaient affichés dans le bureau.

Quelles sont les principales activités de TBSE ?

Tropical Biodiversity and Social Enterprise est une entreprise spécialisée dans la gestion environnementale et la préservation de la biodiversité. Elle se concentre sur la gestion des impacts écologiques liés aux investissements, la restauration des écosystèmes dégradés, ainsi que la conservation des espèces endémiques et menacées de Madagascar. C’est en 2017 que l’entreprise a commencé à travailler sur la protection de la forêt d’Ambatotsirongorongo, à proximité de Fort-Dauphin.

Vous travaillez sur une grande restauration écologique avec Ecosia. Racontez-nous.

Ecosia est un moteur de recherche engagé qui utilise 100% de ses revenus publicitaires pour financer des actions climatiques dans le monde entier, principalement la reforestation. Ces initiatives vont au-delà de la simple plantation d’arbres : elles visent à restaurer des forêts entières, à améliorer la biodiversité et à créer des emplois pour les communautés locales.

TBSE et Ecosia œuvrent ensemble pour restaurer la forêt d’Ambatotsirongorongo en reliant les différents fragments par la restauration active (replanter la forêt sur 300 ha) et la restauration passive (aider la forêt à repousser naturellement sur 500 ha). Le projet inclut la plantation de 4 millions d’arbres autochtones. Il porte sur une durée de 24 ans (2021-2045).

Quelles espèces de plantes privilégiez-vous ?

Les 1 361 000 plants cultivés chaque année sont majoritairement des espèces locales, comme le voalava (Ophiocolea delphnensis), le dragonnier de Madagascar (Dracaena bakeri), le hazombaroa (Asteropeia micraster), le palmier triangle (Dypsis decaryi) et le hintsy (Intsia bijuga). Toutefois nous cultivons aussi une petite quantité d’espèces non autochtones mais très adaptées aux zones les plus sèches, comme l’acacia (Acacia leptocarpus).

Nos pépinières jouent également un rôle important dans le soutien des activités génératrices de revenus (AGR) des communautés locales, notamment à travers la production d’arbres fruitiers (oranges, litchis, bananes).

Avez-vous rencontré des difficultés dans la plantation des espèces autochtones ?

Au début, les premières plantations ont souffert des conditions climatiques difficiles, entraînant un faible taux de survie. Cependant, des espèces pionnières et héliophiles comme le copalier (Hymenaea verrucosa), le dinga dingana (Psiadia altissima), l’ambora (Tambourissa purpurea) et le bois de reinette (Dodonea viscosa), mieux adaptées à l’aridité, ont montré un taux de survie plus élevé.

En 2023, après deux ans de projet, TBSE a ajusté sa stratégie en se concentrant sur une dizaine de ces espèces, stabilisant ainsi progressivement la forêt. Cependant, à long terme, il existe un risque de monospécificité, réduisant la biodiversité. Pour y remédier, TBSE prévoit de réintroduire les espèces sensibles initialement perdues, une fois l’écosystème plus résilient.

Votre site abrite des espèces uniques au monde. Prenez-vous en compte leur protection ?

Bien sûr ! Le projet met l’accent sur la protection des habitats critiques pour la biodiversité, ce qui inclut la conservation des espèces, notamment les lémuriens qui dépendant de cette forêt pour leur alimentation et leur habitat. Cette région possède une combinaison unique de forêts humides et sèches avec un taux d’endémicité proche de 93%, et elle abrite neuf espèces de lémuriens, dont certaines en danger critique d’extinction comme le microcèbe (Microcebus manitatra).

Nos visons à préserver leur habitat fragile, qui comprend aussi d’autres espèces menacées comme le maki (Lemur catta) et le lémurien à collier roux (Eulemur collaris). Cependant le tavy, le charbonnage et les feux de brousse restent des menaces majeures.

Justement, que faire pour prévenir et gérer les feux ?

TBSE mène des actions de sensibilisation auprès des communautés locales et met en place des dispositifs de protection adaptés autour des zones de restauration. Plutôt que d’utiliser de simples pares-feux nus, TBSE adopte une approche plus complète en structurant les pares-feux de manière stratégique.

Une bande nue de 5 mètres de large x 25 km de long entoure le bloc forestier afin de stopper le front de feu. Cette première zone est suivie d’une bande végétalisée, composée notamment d’acacias et d’albizia, qui absorbent l’humidité et freinent la progression des flammes grâce à leur capacité à réduire l’intensité des incendies. En périphérie, une zone dédiée à l’agriculture locale sert de barrière supplémentaire et d’espace tampon.

En intégrant des bandes végétalisées au dispositif, TBSE a réussi à diminuer significativement la propagation des flammes, limitant ainsi les risques pour les zones restaurées et renforçant la sécurité des plantations.

Et comment impliquez-vous les communautés locales dans vos projets de reforestation ?

Nous collaborons avec 14 communautés locales partenaires (VOI), et les soutenons par des activités génératrices de revenus.

Les membres des VOI sont désormais plus conscients des enjeux environnementaux et participent activement à la lutte contre les incendies. Ils comprennent que les feux menacent les sources d’eau, mettant en péril l’irrigation des rizières situées en aval. Face à la fréquence des feux accidentels, la communauté est organisée pour les éteindre rapidement, souvent en moins de quatre heures, en utilisant des matériels et infrastructures adaptés tels que des battes feux, des bonbonnes d’eau et des points d’eau stratégiquement placés autour des zones à risque.

Nous avons remarqué les “10 principes” dans votre bureau. Est ce que vous les appliquez dans ce projet ?

Oui, nous respectons les 10 Principes pour Réussir la Reforestation à Madagascar, en mettant l’accent sur une vision à long terme pour notre projet de reforestation. Par exemple, les pépinières ont été stratégiquement localisées à proximité des forêts et des infrastructures (comme les gîtes) afin de faciliter l’accès et le suivi. Par ailleurs, les communautés locales de Fort-Dauphin sont étroitement impliquées à chaque étape : de la préparation des pépinières au transport des jeunes plants, en passant par l’arrosage, le suivi des plantations, ainsi que la gestion des incendies.

Pour conclure, quelles sont les perspectives et ambitions à long terme de votre projet ?

L’ambition de TBSE est de réunir en un seul bloc les différentes parcelles de forêts existantes, créant ainsi un espace continu et plus résilient face aux menaces externes. Le projet vise à restaurer l’écosystème, tout en intégrant les besoins des populations locales, pour un développement durable de la région. Et nous espérons aussi encourager d’autres acteurs à Madagascar. Face aux défis, il n’y a qu’une solution : se retrousser les manches.

Pour en savoir plus sur les projets de TBSE et d’Ecosia et accéder à leurs sites web, cliquez simplement sur les logos ci-dessous.

 

                                       

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