Madagascar : quel bilan de la COP 26 ?

Madagascar : quel bilan de la COP 26 ?

Madagascar est le 4ème pays le plus menacé par le changement climatique. Pour faire face à ce défi immense, nous devons agir à l’échelle nationale, mais aussi pousser les autres pays à être solidaire. C’était tout l’enjeu de la délégation malagasy présente à la COP 26 de Glasgow en novembre dernier. 

Vatosoa Rakotondrazafy, Coordinatrice Nationale des Paysages Terrestres et Marins au sein du think tank malagasy INDRI faisait justement partie de cette délégation. Elle nous partage son regard sur ces négociations, les déceptions mais aussi les espoirs qu’elles suscitent.

C’était la première fois que tu participais à une COP, en arrivant, quelle a été ta première impression ? 

C’était très intense ! Il y avait tellement de monde et la logistique était compliquée avec les mesures sanitaires liées au Covid. On pouvait voir des diplomates, des représentants de gouvernement, d’ONG et d’entreprises du monde entier courir dans tous les sens pour assister aux différents événements qui se déroulent en parallèle. Il y a sans cesse des choses à voir, à faire, à entendre, ça ne s’arrête pas. C’était une occasion unique pour moi de représenter mon pays, de faire des rencontres inspirantes, et de trouver des opportunités intéressantes pour Madagascar.

Qu’est-ce qui t’a interpellé le plus durant ton séjour à Glasgow ?

Quand je regardais autour de moi, je voyais majoritairement des représentants de pays développés qui contribuent le plus fortement au changement climatique. Je m’attendais à voir plus de représentants des pays du sud qui sont les plus touchés et menacés.
Une étude de l’ONG Global Witness a révélé que 503 lobbyistes des énergies fossiles ont été accrédités à la COP26. C’est plus que le total des délégations des huit pays les plus touchés par le changement climatique ! J’aimerais vraiment que les communautés des pays du sud soient mieux représentées.

Tu as justement une grande expérience avec les communautés locales. Comment peuvent-elles faire entendre leurs voix ? 

Depuis 2015, je m’efforce de faire entendre la voix des communautés de petits pêcheurs à travers mon implication au sein du réseau MIHARI, d’abord en tant que coordinatrice nationale pendant 6 ans puis en tant que Présidente du conseil d’administration depuis 2020. La question des communautés locales me passionne et il me semble primordial que leurs enjeux puissent être entendus lors d’évènements internationaux comme les COP.

Dans des entretiens avec les médias internationaux, Madame la Ministre de l’Environnement et du Développement Durable a pu porter la voix des communautés rurales malagasy. Elle a rappelé leurs enjeux et la nécessité vitale pour Madagascar d’être aidé par la communauté internationale face à ces grands défis.

Vatosoa avec Sarobidy Rakotonarivo et Marie Christina Kolo aux cotés du Président de la COP 26, M. Alok Sharma

La chercheure Sarobidy Rakotonarivo a animé un échange sur le rapport entre les communautés locales et la forêt et a également présenté un film sur ce sujet. La session était vraiment intéressante : comment mieux mobiliser les financements climat comme le REDD+ pour réussir la conservation de nos forêts main dans la main avec les communautés ? C’est des questions qui me passionnent en tant que coordinatrice de l’initiative Alamino.

De son côté, l’activiste Marie Christina Kolo a pu défendre la cause des femmes malagasy issues des communautés. Le Président de la COP 26, M. Alok Sharma a même commencé un de ses discours en faisant référence aux échanges menés par Marie Christina avec des femmes leaders de l’Androy deux semaines avant la COP.

Je pense que ces prises de position vont dans le bon sens. J’aimerais qu’on puisse poursuivre cette tendance pour mieux inclure et visibiliser nos communautés locales sur la scène internationale. Pourquoi ne pas intégrer une proportion plus importante de représentants des communautés locales dans la délégation malagasy durant la prochaine COP ?

Sur place, comment était perçu Madagascar par le reste des acteurs ? 

Quand je disais que je venais de Madagascar, on me parlait chaque fois de la famine dans le sud. Cette année, le kere a été très visible dans l’actualité internationale et Madagascar est perçu comme une victime sévère du changement climatique. Pour être honnête, c’est dur d’entendre que mon pays est reconnu pour la famine. Mais d’un autre côté, c’est aussi important que la communauté internationale ait pleinement conscience des conséquences du changement climatique à Madagascar et qu’elle soit solidaire. 

Pour transformer cette prise de conscience en soutien et en actions, on ne peut pas se contenter d’une posture de victime. Nous devons montrer notre capacité à nous relever, à proposer des plans concrets et préciser de quel type d’appui nous aurions besoin. Sur ce plan, il nous reste beaucoup de travail à faire. J’espère que d’ici la prochaine COP nous pourrons avoir un dialogue national plus approfondi avec tous les acteurs pour proposer des solutions fortes et convaincantes. 

Y a-t-il des éléments qui t’ont donné de l’espoir ?

Bien sûr ! Une des choses qui m’a beaucoup marqué c’est le focus important qui a été mis sur la forêt cette année. Ça a été l’occasion de voir de nombreuses initiatives positives de notamment en Colombie ou en Indonésie. Je trouve que c’est une source d’inspiration intéressante pour Madagascar et pour l’initiative Alamino, dont je suis la coordinatrice. Alamnio réunit la diversité des acteurs malagasy pour réussir le reverdissement du pays. Cette COP était foisonnante d’initiatives dont on peut tirer des enseignements, et d’opportunités à saisir pour le reverdissement de Madagascar !

Un autre élément qui m’a particulièrement intéressé, puisqu’il est au cœur notre mission au sein d’INDRI, c’est l’intelligence collective. En marge des négociations, un certain nombre d’acteurs constatent qu’il y a un besoin évident de renouveler les modes de réflexion collective sur les questions climatiques. À la COP, j’ai pu voir quelques organisations proposer des méthodes d’échanges innovantes pour mieux mobiliser l’intelligence collective. C’est très encourageant de constater que les méthodes qui nous inspirent et que nous essayons de mettre en place avec INDRI à Madagascar sont également appliquées avec succès ailleurs dans le monde.

Un des évènements de cette COP 26 a été la signature par plus de 100 pays d’un accord pour stopper la déforestation d’ici 2030. Madagascar fait partie des signataires, qu’est-ce que ça implique pour le pays ? 

Ça n’est pas le premier engagement international que signe Madagascar sur la lutte contre la déforestation ou le reboisement. Le pays s’est par exemple déjà engagé à restaurer  4 millions d’hectares d’ici 2030 dans la cadre du programme AFR 100Ces accords ne sont que le début du travail qu’on doit accomplir, mais je crois qu’on peut les voir comme des sources d’opportunités. Dans le cadre de cet accord signé à la COP par Madagascar, douze pays se sont engagés à mobiliser conjointement 12 milliards de dollars de fonds publics entre 2021 et 2025, auxquels devraient s’ajouter 7,2 milliards de dollars d’investissements privés.

Si nous sommes capables de présenter un plan national convaincant pour atteindre les objectifs de restauration et de reboisement, cela peut permettre d’attirer des investissements importants pour le développement du pays. C’est une occasion stratégique pour Madagascar de préciser l’objectif de reverdissement national porté par le Président de la République.

La COP 26 s’est terminée le 12 novembre : quelles sont les prochaines étapes pour Madagascar ? 

La COP n’implique chaque année qu’une poignée de personnes à Madagascar, mais la situation et les enjeux sont souvent flous pour la majorité des acteurs qui n’y ont pas assisté. Il y a un grand travail à faire de partage et d’ouverture de la réflexion avec toutes les personnes intéressées. Je trouve ça très positif que cette dynamique ait été lancée par le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable le 30 novembre à l’occasion d’un échange entre les membres de la délégation malagasy à la COP et une grande diversité d’acteurs. C’est aussi la mission d’INDRI de rassembler les différentes organisations pour mieux réfléchir et agir ensemble. Nous avons bien l’intention d’y contribuer aux côtés des autorités. 

Ce travail de réflexion collective est nécessaire pour répondre aux engagements de restauration et de lutte contre la déforestation pris lors de la COP. Comme on l’a évoqué, il y a de grandes opportunités à saisir. Nous devons montrer dans les prochains mois que Madagascar est capable de relever ces défis.

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